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Tant que les lions n'auront pas d'historiens, les histoires de chasse tourneront à la gloire du chasseur - Le mensonge se lève très tôt mais la vérité finit par le rattraper - Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage

mercredi 29 septembre 2010

Édit de Nantes et loi Taubira (2)

"Un temps pour se taire, et un temps pour parler" (Ecclésiaste 3, 7)

(Suite d'un débat initié ici et ici.)

L'Édit de Nantes prône le silence, la loi Taubira ouvre à la parole.

L'Édit de Nantes est probablement judicieux, l'histoire l'a montré, dans le contexte d'un immédiat après-guerre, l'immédiat après-guerres de religion — comme le sera d'une autre façon le mythe de De Gaulle sur la France unanimement résistante ; comme aussi l'accord inter-Ivoiriens de Ouagadougou, voire comme la loi Schoelcher.

L'Édit de Nantes se présente comme l'option inverse à celle de l'ouverture sur la recherche : il stipule expressément que l'on devra taire les faits ("n'en point faire mention")...



En 2001, non plus sur les guerres de religion mais sur la mémoire de l’esclavage, la loi Taubira, à l'opposé, reconnait qu'il est temps d'ouvrir les archives (plus de 150 ans après l'abolition de l'esclavage !). Cela a déjà commencé et a déjà eu des effets heureux (le débat historien est incontestablement lancé comme il ne l'avait jamais été, de manière ouverte au grand public).

Il est peut-être un temps pour le silence préconisé par l'Édit de Nantes quand les blessures sont vives, il est de toute façon aussi un temps pour parler quand les blessures risquent d'éclater à force d'être tues.

La représentation parlementaire française des deux chambres votant à l'unanimité la loi Taubira l'a fort bien compris. Mais il était inévitable, au-delà d'une recherche apaisée, qu'il y ait tôt au tard des attaques violentes contre l'ouverture d'archives qui portent atteinte à un mythe national qui s'est bâtit sur le silence antécédent. Tout comme la fin du mythe d'après la dernière guerre a suscité des retours d'antisémitisme — allant du comptage des juifs dans les médias au négationnisme de la Shoah et passant par des profanations de tombes ou des remarques... de "détail"...

En 2001, et suite aux commémorations de 1998, il semblait être temps de libérer la parole et d'encourager à ouvrir les archives concernant l'esclavage et la traite, en commençant par donner acte aux abolitionnistes du XIXe siècle d'avoir parlé de "crime contre l'humanité", sans que ce soit toujours sous le terme précis, mais plutôt sous ceux de "crime contre les Droits de l'Homme", "crime contre l'Homme", "injure contre l'Humanité", etc. Une citation de Victor Schoelcher : "Disons-nous et disons à nos enfants que tant qu’il restera un esclave sur la surface de la Terre, l’asservissement de cet homme est une injure permanente faite à la race humaine toute entière". On est dans une pré-définition précise de ce qui sera défini comme crime contre l'humanité : "injure permanente faite à la race humaine toute entière".



La loi votée en 2001 n'a pas manqué de susciter des réactions passionnées :

- Réactions faisant fi des travaux parlementaires qui ont déjà répondu à de supposées objections constitutionnelles invoquant les art. 34 et 37 de la constitution qui auraient échappé à la représentation nationale des deux chambres unanimes ! Or ces objections ont été réfutées à l'avance lors de la discussion de la loi, y compris par des députés de droite : "Le Gouvernement, qui, en application de l'article 41 de la Constitution, est le seul à pouvoir contester la présence d'une disposition d'ordre réglementaire dans un texte de loi, a lui-même reconnu au Sénat, par la voix de son secrétaire d'Etat à l'outre-mer, l'importance de ce devoir de mémoire et la nécessité de faire figurer ces évènements dans les manuels scolaires, trop longtemps muets sur cette question. A l'Assemblée nationale, M. Renaud Donnedieu de Vabres a eu une position similaire en affirmant qu'il « n'était pas possible de priver le Parlement de la possibilité d'exprimer ce souhait fort, quels que soient les contenus de l'article 34 et de l'article 37 »."

- Réactions évoquant l'anachronisme quant à l'usage de termes comme "crime contre l'humanité" déjà utilisés au temps de Schoelcher (parlant donc déjà pour sa part d'"injure permanente faite à la race humaine toute entière", etc.).



- Réactions demandant à la France de commémorer aussi la traite arabo-musulmane à laquelle elle n'a pas participé !, etc. C'est à ce point que P.-Grenouilleau a été mis à profit d'une façon explicitement anti-loi Taubira, via l'usage de son gros pamphlet, voulu anti-loi Taubira, et ayant été reçu comme tel (d'où des mises en cause parfois de même passionnées), et ayant été primé pour cette raison lors de la tentative de corriger la libération de la recherche par la loi Taubira en tentant d'indiquer aux historiens qu'il fallait trouver en la matière des "bienfaits" à la colonisation.
Voilà un livre et son auteur qui auraient fait l'objet, comme on l'a entendu, de "lynchage", "délit d'opinion" ou autres "procès en sorcellerie"... Quand en fait, on le sait, il été primé ! On a trouvé mieux en matière de "lynchage" ! Autant de propos excessifs plus propres à ouvrir les boîtes de Pandore que, comme elle en a pourtant été accusée, la simple libération de la recherche après l'oubli que recommande la loi Taubira !

Étrange passion que ces réactions contre la réouverture de la recherche et contre une parole parlementaire unanime nommant ce qu'il en fut 150 ans après les faits !

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